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Il a mis au goût du jour un légume oubli Il a mis au goût du jour un légume oublié

Installé en Champagne crayeuse, Jean-Luc Galichet a fait revivre la boulette de Bussy. Prochain challenge : la production de truffe.

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«Est-ce qu’il y a des mouches cette année ? », se demande avec inquiétude Jean-Luc Galichet en déterrant plusieurs boulettes de Bussy, théoriquement bien à l’abri sous une moustiquaire. S’il y a une production qu’il suit attentivement, c’est bien ce légume ancien, un navet à la collerette verte, même si elle représente la plus petite surface de l’exploitation : 1,2 ha cette année.

Lorsque l’agriculteur s’installe en 1988 à Bussy-le-Château dans la Marne, il ne dispose que de 49 ha. Il passe à 59 ha l’année suivante. Parallèlement, un Gaec laitier partiel est créé avec son frère. Un troisième éleveur les rejoindra en 1994. En dehors des céréales, il produit des endives jusqu’en 1995. « Mais il fallait réinvestir dans l’automotrice de récolte, raconte l’agriculteur. Or le prix de vente baissait. On n’a pas voulu prendre de risque. »

La même année, il démarre la production de boulettes de Bussy. « Je voulais entreprendre. J’avais besoin de challenge ! J’avais envisagé la production d’escargots mais c’est trop gourmand en main-d’œuvre. » Depuis longtemps, cette idée lui trottait dans la tête. « C’est une ancienne variété de navet cultivée dans les jardins de la région jusque dans les années soixante-dix, puis oubliée. La commune de Bussy-le-Château était réputée pour sa production. J’y avais goûté pendant mon enfance et j’étais persuadé que ce légume pouvait présenter un intérêt. »

En 1995, il récupère des graines mais la semence est dégénérée. Au Sival (1), le directeur d’une société de production d’anciens légumes lui explique comment supprimer les caractères visuels et gustatifs indésirables. « Je n’ai pas forcément retrouvé le goût d’antan mais j’ai travaillé avec des chefs étoilés de la région pour avoir leur avis. » Au bout de trois à quatre années, il obtient un produit satisfaisant, inscrit sa variété au CTPS (Comité technique permanent de la sélection) et dépose la marque « Boulette de Bussy » à l’Inpi (Institut national de la propriété industrielle).

Un marché de niche

En 2006, Jean-Luc Galichet a investi 130 000 €, une grande partie dans une chambre froide et le reste dans du matériel de récolte, d’irrigation et de conditionnement. « L’idée était de stocker la production pour la vendre au fil de la saison. Mais je me suis rendu compte que le froid altérait la qualité visuelle du produit. » La chambre froide sert aujourd’hui à stocker deux semaines de récolte au maximum. Celle-ci est réalisée d’octobre à décembre au fur et à mesure des commandes. « À partir de début août, je sème tous les trois à quatre jours, ce qui correspond en moyenne à trois semaines de décalage au niveau de la récolte. »

La commercialisation n’est pas plus simple que la production. « La boulette de Bussy s’adresse aux chefs des restaurants gastronomiques et aux consommateurs attirés par les variétés anciennes et qui aiment cuisiner. Localement, c’est un peu plus connu. » Jean-Luc Galichet vendait au départ sa production dans trois supérettes locales et surtout auprès de restaurants de la région. Aujourd’hui, 80 à 90 % des boulettes de Bussy partent en camion au Min de Rungis et de Lomme (Nord), ainsi qu’au marché de gros de Nancy. « Les restaurants, c’est super pour l’image du produit mais je n’ai pas la logistique pour les approvisionner. »

Une étude de marché menée au début de l’aventure avait conclu à un débouché potentiel équivalent à 10 ha. Jean-Luc Galichet est allé jusqu’à deux hectares mais n’a jamais tout vendu. Il a dû amortir les 130 000 € avec la production céréalière de l’exploitation en supprimant tout investissement supplémentaire, en dehors du photovoltaïque (lire l’encadré). En 2011, Jean-Luc a arrêté la production de lait « faute d’avoir le temps de s’y impliquer vraiment ».

« L’emprunt de 130 000 € est remboursé et la culture de légumes anciens génère désormais de la trésorerie, se réjouit le producteur. C’est appréciable car l’EBE a tendance à diminuer depuis quelques années, avec la baisse du prix de vente des cultures. 

(1) Salon interprofessionnel des techniques vitivinicoles, horticoles, arboricoles et légumières (Angers).

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